S'il y a bien quelque chose qui invite à l'humilité, c'est l'impossibilité de prévoir si ce qu'on juge laid aujourd'hui le restera toujours.
On l'oublie souvent mais le bâti Haussmannien n'a pas toujours eu bonne presse. Les agents immobiliers vantent aujourd'hui aux acquéreurs la sainte trilogie PMC (parquet, moulure, cheminée) mais le retour en grâce de cette esthétique est très récent.
"On est sur un appartement avec de très très belles prestations, c'est du Haussmannien hein !" (citation attribuable à tous les agents immobiliers de Paris en 2021)
Jusqu'à la reconsidération de l'urbanisme Haussmannien par de grands historiens dans les années 1990 (François Loyer, Françoise Choay, etc.), on se plaignait de ses grandes allées monotones et de ses alignements de balcons répétitifs. On lui reprochait même d'être profondément anti-social : les larges avenues haussmanniennes auraient été conçues pour mater facilement tout soulèvement !
Super boring ou super prestations, du coup ?
De vilain petit canard à phénix
Trente années après la réhabilitation de cette esthétique, les façades haussmanniennes et leurs caractéristiques (toit à la Mansart, moulures, corniches, etc.) sont copiées sans vergogne par tous les promoteurs immobiliers de France. Mélangés à une vague esthétique versaillaise, des programmes de faux-Haussmannien poussent partout où il y a un peu de terrain libre en Île-de-France.
Un bel exemple de vrai-faux-Haussmannien à la Garenne-Colombes (92)
Et tout cela sans compter les exemples de villes "à la Haussmann" construites un peu partout dans le monde et le quartier de Tianducheng, dans la banlieue de Hangzhou, qui reproduit le pittoresque parisien à grand coups de toitures en zinc et de balcons filants. Bref, pour une esthétique qui était tombée en disgrâce, elle ne s'en sort pas trop mal !
Pour réhabiliter un style et une époque, il a fallu fournir des efforts conséquents Il faut se renseigner, contextualiser, désapprendre et réassembler les traces. C'est un long travail qui implique de se placer très haut, pour le voir du point de vue de l'Histoire, mais aussi très bas, du point de vue des usages des habitants du lieu.
C'est ce qu'a fait l'historien François Loyer dans "Paris, Roman d'une ville" (vidéo ci-dessous, à voir !) pour les 100 ans du décès du baron Haussmann. Il y part à la recherche de tous ces détails que l'habitude nous empêche de voir et en dresse un portrait de lieux bien plus "habités" que ce que l'on pensait.
L'enjeu, c'est de réhabiliter les architectures à temps. Les Halles Centrales de Paris, construites par Baltard, furent détruites dans les années 1970. Sales, moches, populeuses : on les a rasées sans vraiment se soucier de la perte du "ventre de Paris". Selon les mots de Georges Pompidou, il fallait "renoncer à une esthétique périmée".
Et si le brutalisme était le nouvel haussmannien ? Aujourd'hui, sur 40.000 édifices classés à l'inventaire des monuments historiques, seulement 1400 (2,5%) datent du XXème siècle. On détruit des bouts de cités-jardins des années 1930, des immeubles de la reconstruction et des morceaux de grands ensembles. Qui, donc, pourrait se lamenter sur leur sort ? Vraiment personne ?
Notre parti pris chez Croque Brique, c'est qu'il faut transformer le regard sur tout ce que l'on trouve "moche" (ou que l'on nous a appris à trouver moche) et on a pour ça un cobaye idéal : la partie bétonnée du 13ème arrondissement.
Look at this beauty ! (Dalle des Olympiades)
L'esthétique des années 1960-1970 à Paris a mauvaise réputation. Cinquante ans après leur construction, les tours des Olympiades (13e) ou du Front-de-Seine (15e) choquent toujours par leur radicalité. Ces "gratte-ciels" posés sur des dalles donnent au passant une sensation étrange. "Il faudrait les raser", "c'est d'une laideur totale" : c'est ce que j'entends au début de mes visites du quartier des tours du 13ème arrondissement. C'est le type de réaction que j'adore. Parce que cela signifie que tout le travail reste à faire pour transformer le regard sur la ville.
L'état d'esprit Croque Brique En 1h30 de visite, sur un parcours de près de 4km, on évoque ensemble la naissance du quartier, on apprend le nom des tours, on essaie de comprendre les rêves des bâtisseurs. Petit à petit, on éduque le regard et on se laisse surprendre.
Croque Brique en train de sensibiliser un groupe de félins à l'esthétique du béton
Plus on progresse dans la visite, plus les opinions du groupe sont nuancées. Les anti-tours du début s'attendrissent et se laissent éblouir par le paysage lunaire de la dalle des Olympiades. L'autre jour, en partant, un participant m'a dit : "je crois que je les aime un peu mieux, ces tours". C'est exactement ce que je recherche. Chers fans de parquets et moulures : si vous aussi, vous pourfendez la verticalité, si vous vous étranglez dès que vous passez vers la porte de Choisy et que vous pensez que rien ne vous fera changer d'avis, alors vous êtes les bienvenus à ma nouvelle visite :
A l'ombre des tours :
les utopies bétonnées du 13ème arrondissement (première visite ce dimanche 17/10 !)
A très vite ! Hugo Fondateur @ Croque Brique
PS : Pour ceux qui aiment plutôt les parcs, la visite au parc Montsouris sur la naissance de la nature en ville est toujours disponible ! PPS : Si jamais vous détestez vraiment les tours, essayez le code promo "JEDETESTETELLEMENTLESTOURSQUEJEMERITEUNCODEPROMO" pour un discount de 10%. (Pour les 10 premiers à réserver !)
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